L’appellation « Japanese Whisky » enfin clarifiée

C'est une grande avancée dans le monde du whisky Japonais, l'Association des Producteurs de Spiritueux & Liqueurs du Japon (Japan Spirits & Liquors Makers Association) vient d'annoncer officiellement la création d'un cahier des charges visant à clarifier les standards d'utilisation de l'appellation "Japanese Whisky".

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il était temps de standardiser les critères permettant de prétendre à l'utilisation de l'appellation "Japanese Whisky", cette demande venant à la fois des consommateurs mais aussi des principaux acteurs du secteur.

Composée de 82 membres regroupant les principaux producteurs de spiritueux (whisky, shochu, rhum, etc..) et de liqueurs, l'association Japonaise crée en 1953 s'est penchée sur le problème de la confusion régnant ces dernières années autour de l'appellation "Whisky Japonais". Plusieurs tables rondes réunissant les professionnels du whisky ont été organisées au cours des derniers mois et ont donné lieu à une annonce officielle présentée ce 16 février 2021.

En raison de son succès international et de l'explosion de la demande, croisée à une pénurie de stock des distilleries historiques, quelques producteurs et embouteilleurs n'ont pas hésité à jouer avec les zones grises de la législation japonaise particulièrement permissive tant sur l'origine du produit que sur la nature même de l'alcool présenté comme "whisky".

C'est dans ce contexte qu'on a pu voir apparaitre de nombreux nouveaux "whiskies japonais" aux noms évocateurs du Japon comme Tenjaku, Fujimi, Fuyu, Hinotori, Kamiki, The Fuji San, Kumataka, Koshu et autres dont l'origine est en réalité aussi obscur que le mode de production malgré des attributs commerciaux qui laissent à penser que le produit est 100% japonais. Se positionnant pour la plupart d'emblée en entrée de gamme du whisky japonais, ces produits ont envahi récemment les rayons de la grande distribution donnant souvent, à la dégustation, une image erronée du whisky japonais.

 

A l'instar du label "Fait Maison" plutôt permissif que nous connaissons pour la restauration en France, selon la Liquor Tax Act pour être considéré comme "Produit du Japon" il suffit que le whisky importé soit mélangé avec de l'eau japonaise et embouteillé au Japon mais pas nécessairement distillé et vieilli sur l'archipel. Certains producteurs se sont engouffrés dans la brèche en utilisant pour leurs produits les termes "whisky" et "produit du Japon" avec sur l'étiquette quelques kanji, voire même un âge dans le but inavoué de berner les consommateurs non avisés.

D'autre part la notion même de whisky est parfois utilisée abusivement avec des spiritueux dont les ingrédients de base, la distillation en alambic en acier inoxydable, ou encore la réduction alcoolique ne correspondent même pas aux standards énoncés dans le Liquor Industry Association Act de 2013 inspiré du Scotch whisky Act établit en 1988 par la Scotch Whisky Association.

Si pour certains il semblerait que la transparence concernant l'utilisation de whisky importé de l'étranger ait été de mise dès le départ pour mettre en avant l'art de l'assemblage comme Togouchi, Yamazakura, ou encore Ichiro's Malt et Mars Whisky, pour d'autres l'opacité ne permet pas d'affirmer qu'il s'agit bel et bien de whisky japonais tel qu'on pourrait l'imaginer. La plupart du temps le contenu n'est rien d'autre que du whisky importé d'Ecosse, du Canada, des USA ou d'ailleurs, parfois vieilli au Japon mais surtout assemblé, réduit avec de l'eau de source Japonaise et embouteillé sur l'archipel dans un joli packaging au design évoquant le Japon.

Takumi Senba, président de l'association, tenait donc à faire une mise au point :

"En définissant clairement ce qu'est le "whisky japonais" (…), nous visons à clarifier la situation confuse pour les consommateurs. Nous espérons également que le fait d'attirer l'attention de nos clients et des amateurs de whisky du monde entier sur la valeur de notre whisky, qui a évolué de manière assez indépendante au cours du siècle dernier, conduira à une plus grande prospérité de l'industrie du whisky au Japon."

Suite à la création de ce cahier des charges, plusieurs marques dont parfois de grands acteurs du secteur seront impactées comme Nikka Whisky qui prend les devants avec cette annonce (son blend emblématique From The Barrel contiendrait du whisky Ben Nevis), et devront se mettre en conformité soit en "dé-japonisant" les étiquettes et les emballages des produits ne respectant pas les critères, soit en les arrêtant purement et simplement.

Les revendeurs (grandes surfaces, cavistes, boutiques en ligne...) devront également faire un effort de transparence à l'égard des consommateurs, ce qui est loin d'être actuellement le cas sur le marché des spiritueux avec, il n'y a pas si longtemps, Lidl et son whisky Akanagi vendu comme du whisky Japonais mais dont on ne trouve aucune trace sur son origine. Mieux vaut donc se tourner vers un revendeur spécialisé tel que Uisuki qui a toujours eu à cœur de valoriser les whiskies japonais en effectuant une rigoureuse sélection des produits et en ayant une attente forte de la part des producteurs en matière de transparence sur l'origine réelle des produits. A ce titre, les fiches produit seront prochainement et progressivement mises à jour pour refléter l'application du nouveau cadre mis en place et permettre au consommateur d'avoir une totale confiance dans les produits proposés.

Le cahier des charges se compose de 7 articles dont voici les plus essentiels :

Article 3 | Périmètre d'application du cahier des charges :

Les normes d'étiquetage s'appliquent au whisky vendu au Japon ou vendu à partir du Japon par des "opérateurs commerciaux" (on entend par "opérateurs commerciaux" toute personne qui produit et vend du whisky ou toute personne qui met en bouteille et vend du whisky au Japon ou à l'étranger).

Article 5 | Normes d'utilisation du terme spécifique Japanese Whisky

Terme Exigences de qualité des méthodes de production
"Japanese Whisky" (ou "Japanese Whiskey") Ingrédients de base Les matières premières doivent être limitées aux céréales maltées, aux autres grains céréaliers maltés, et l'eau extraite au Japon.
Méthode de production Production La saccharification, la fermentation et la distillation doivent être effectuées dans une distillerie au Japon. La teneur en alcool au moment de la distillation doit être inférieure à 95%.
Vieillissement  Le produit distillé doit être vieilli au Japon dans des fûts en bois ne dépassant pas une capacité de 700 litres, pour une période d'au moins 3 ans.
Embouteillage  La mise en bouteille doit avoir lieu uniquement au Japon, avec un degré d'alcool d'au moins 40 %.
Autre Coloration au caramel naturel autorisée.

Article 6 | Interdiction de l'utilisation d'un étiquetage trompeur

Pour remettre de l'ordre parmi les whiskies Japonais, le cahier des charges en plus de viser l'origine et la méthode de production, s'attarde également sur la question des identités visuelles et étiquetages trompeurs.

1. Les termes "Japanese Whisky ou Whiskey" ne peuvent être utilisés pour l'étiquetage des produits que si les exigences de qualité de la méthode de production énoncées à l'article 5 sont satisfaites, même si ces termes sont exprimés par ou avec : des mots qui ont la même signification que ces termes (par exemple, "Nihon whisky" ou "Japan whisky"), des traductions en japonais ou dans une langue étrangère, ou des termes tels que "type" ou "style".

2. Les opérateurs commerciaux ne doivent pas utiliser d'étiquetage comportant l'un des éléments ci-dessous pour
les produits qui ne satisfont pas aux exigences de qualité de la méthode de production énoncées dans l'Article 5 (à moins que des mesures ne soient prises pour préciser que le produit étiqueté ne répond pas à ces exigences) :
(i) Noms des personnes qui évoquent le Japon
(ii) Noms de villes, régions, lieux célèbres, montagnes et rivières du Japon
(iii) Le drapeau japonais ou un nom d'une époque japonaise
(iv) Tout autre étiquetage qui rend probable que le produit étiqueté est confondu avec un produit qui satisfait à la qualité de la méthode de production les exigences énoncées à l'article 5.

3. Les opérateurs commerciaux n'utilisent pas d'étiquetage qui rendrait probable que les produits alcoolisés
ne répondent pas à la définition du "whisky" (au sens de la Liquor Tax Act), et ne fournit pas, ou ne coopère pas à la fourniture de produits alcoolisés aux vendeurs qui utilisent ce type d'étiquetage trompeur.

Par ailleurs, il est également entendu que les whiskies qui répondent au cahier des charges sont autorisés à être étiquetés "Japanese" en association avec un des éléments suivants : "Malt Whisky", "Grain Whisky", "Blended Whisky", "Straight Whisky", "Single Malt Whisky" et "Pure Malt Whisky".

Article 7 | Administration des normes d'étiquetage

Les normes d'étiquetage et la vérification du respect du cahier des charges sont gérées par la Japan Spirits & Liquors Makers Association, qui peut se réunir en comité pour délibérer sur une incertitude.

La règlementation prendra effet à compter du 1 avril 2021 et les producteurs ou embouteilleurs auront jusqu'au 31 mars 2024 pour se mettre en conformité. D'ici 3 ans, le Whisky Japonais sera donc définitivement purgé de ces embouteillages trompeurs qui n'auront pas servis à faire rayonner le savoir-faire Japonais mais plutôt servis à satisfaire la fièvre acheteuse de millions de touristes chinois ayant voyagé sur l'archipel ces dernières années, et de millions de consommateurs à travers le monde, tous à la recherche de Whisky Japonais.

Ce cahier des charges est probablement la première étape qui, grâce au lobbying de la JSLMA auprès du gouvernement Japonais, aboutira à une réglementation officielle avec la protection définitive de l'appellation "Japanese Whisky". Néanmoins certains producteurs Japonais n'ont pas attendu cette clarification pour aller encore plus loin dans l'élaboration de whisky 100% japonais, de la céréale au bois des fûts, et l'avenir semble très prometteur pour le secteur avec l'arrivée de nombreux nouveaux acteurs à suivre de près telles que les distilleries Akkeshi, Kanosuke, Okayama, Asaka ou bien encore Sakurao et Kaikyo,  qui respectent déjà tous les points du cahier des charges.

Publié par Nicolas

Le jeudi 18 février 2021 à 16h25

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